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# Audition du CNLL par le CSF "Numérique de Confiance" --- ***Draft - version 0.9 - ne pas rediffuser*** --- Stéfane Fermigier, co-président du CNLL a été auditionné par le groupe Logiciels Libres du Comité Stratégique de Filière Numérique de Confiance. Le CNLL publie les réponses données à lors de cette audition. ## Présentez-vous : ### 1/ Présentez-vous / présentez votre organisation Le CNLL, l’Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert, est, depuis 2010, l’organisation représentative en France des entreprises de la filière open source. Le CNLL fédère les principales associations et grappes d'entreprises de l'Open Source en France, présentes dans les 7 régions (IdF, Nouvelle Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire, PACA, Occitanie, Rhône-Alpes Auvergne), et représente par leur intermédiaire près de 300 entreprises spécialisées ou avec une activité significative dans le logiciel libre (éditeurs, intégrateurs, sociétés de conseils, etc.) et dans le numérique ouvert (open data, open hardware, etc.). Le CNLL comprend par ailleurs actuellement 14 entreprises membres "adhérents directs". Pour ma part, je suis Stefane Fermigier, entrepreneur et activiste du logiciel libre, développeur Python, chercheur et innovateur en informatique, co-fondateur et co-président du CNLL. J'ai fondé notamment les sociétés Nuxeo et Abilian, et co-fondé, en plus du CNLL, les associations ou groupes d'action AFUL, EuroLinux, GTLL, APELL et Euclidia, ainsi que les conférences Open World Forum / Paris Open Source Summit et PyParis. J'ai été président de l'AFUL, du GTLL et de l'APELL. J'enseigne également le logiciel libre à l'EPITA. ### 2/ Quelles sont vos actions vis-à-vis de l’écosystème Logiciels Libres Cf. - (Rapport moral 2022, bientôt disponible sur le site du CNLL) - <https://speakerdeck.com/sfermigier/ag-du-cnll-2022> (rapport moral 2021) - <https://speakerdeck.com/sfermigier/assemblee-generale-du-cnll-2021> (rapport moral 2020) Ses principales actions et activités peuvent être regroupées en plusieurs catégories : 1. **Promotion et représentation** : Le CNLL vise à promouvoir et représenter les intérêts de ses membres et de la filière en général, en particulier auprès des institutions et des pouvoirs publics, français et européens. Il participe à, et organise, des événements et rencontres pour favoriser la visibilité et la reconnaissance de la filière du logiciel libre. 3. **Études et analyses** : seul ou en collaboration avec d'autres organisations, le CNLL produit des études de marché et des analyses pour mieux comprendre l'évolution de la filière du logiciel libre et apporter des données valorisantes à ses membres et aux observateurs et décideurs du secteur. Le CNLL produit également des propositions ou des recommandations, de sa propre initiative ou en réponse à des sollicitations. 4. **Lobbying et think-tank** : Le CNLL participe activement à des actions de lobbying auprès des institutions et des pouvoirs publics pour défendre les intérêts de la filière et contribuer à l'élaboration de politiques favorables au logiciel libre, ou tenter de contrer les projets de législation ou réglementation défavorables à la filière. 2. **Communication** : Le CNLL communique sur ses actions, sur les réalisations de ses membres, sur les enjeux contextuels, et sur les actualités du secteur, notamment à travers des articles et des interventions dans la presse, une newsletter, des publications web et des réseaux sociaux comme LinkedIn ou Twitter. 5. **Promotion** : Le CNLL organise depuis plusieurs années les prix des "Acteurs du libre" qui récompensent les entreprises et les projets les plus impactants du secteur. Ces prix visent à reconnaître les efforts et réalisations exceptionnelles dans ce secteur et à mettre en lumière les meilleures pratiques et innovations. En organisant ces prix, le CNLL encourage la coopération et l'échange d'idées au sein de la communauté du logiciel libre, tout en attirant l'attention des médias, des décideurs et du grand public sur l'importance des solutions open source pour l'innovation, la souveraineté numérique et le développement économique. Le CNLL participe également au jury de prix similaires organisés par d'autres organisations (Territoires numériques libres, Logiciel Libre pour la Science Ouverte). 5. **Internationalisation** : Le CNLL œuvre à l'internationalisation de ses activités en participant à des événements internationaux, en collaborant avec des organisations étrangères et en participant à des projets européens. 6. **Partenariats et collaborations** : Le CNLL développe des partenariats et des collaborations avec diverses organisations, académiques ou professionnelles, pour renforcer son réseau et ses actions. 7. **Accompagnement des membres** : Le CNLL et les associations membres du CNLL soutiennent ses membres dans leurs actions et projets, notamment en matière de montage de projet et de financement de la R&D. 8. **Actions en justice** : le CNLL peut s'engager dans des actions juridiques lorsque les intérêts de la communauté du logiciel libre et de l'open source sont en jeu, en particulier dans des situations où la confidentialité, la souveraineté numérique ou la mise en concurrence équitable sont menacées. Par exemple, le CNLL (Conseil National du Logiciel Libre) a pris l'initiative en 2020 de rassembler une coalition d'organisations et de personnalités pour contester, notamment auprès du Conseil d'Etat, la décision du gouvernement français de confier l'hébergement des données de santé du Health Data Hub à Microsoft. ## Votre avis sur la filière : ### 3/ Quels sont les freins que vous voyez au développement de notre filière Logiciels Libres ? - **Manque de compréhension du modèle éditeur** : Le modèle économique des éditeurs de logiciels libres peut être difficile à appréhender pour certaines organisations et décideurs, qui peuvent craindre des problèmes de rentabilité ou de protection de la propriété intellectuelle. Il est parfois même délibérément ignoré, sans doute pour des raisons idéologiques, par certains décideurs, qui préfère s'imaginer et donner à croire que le logiciel libre "pousse sur les arbres". Il est important de sensibiliser toutes ces parties prenantes aux avantages du modèle open source, tels que la collaboration, l'innovation et la réduction des coûts, mais aussi à ses modes de production et de financement, et de promouvoir des études de cas réussis d'entreprises éditrices de logiciels libres. - **Manque d'adoption de l'open source par les grandes organisations privées** qui adoptent trop souvent une approche opportuniste et non stratégique en matière de logiciels libres, limitant ainsi leur utilisation et leur contribution au secteur. Pour encourager l'adoption de l'open source, il est crucial de démontrer les avantages économiques, techniques et stratégiques des logiciels libres et de mettre en place des politiques incitatives, telles que des avantages fiscaux ou des subventions, pour les entreprises qui adoptent et soutiennent des projets open source. - **Législations ou projets de législations inadaptés** : Certaines législations ou projets de législations, tels que les brevets logiciels ou le Cyber Resilience Act (cf. <https://cnll.fr/news/cyber-resilience-act-union-europ%C3%A9enne-menace-logiciel-libre/>), ne tiennent pas compte des spécificités et de l'impact des logiciels libres. Les acteurs du secteur open source doivent plaider en faveur de politiques et de régulations qui reconnaissent et protègent le modèle open source et promeuvent son développement. Cela peut inclure la sensibilisation des décideurs politiques et la participation active aux débats législatifs. - **Compétences et recrutement** : le développement du secteur des logiciels libres nécessite des compétences spécialisées et une compréhension approfondie du modèle de développement open source. Les entreprises doivent investir dans la formation et l'éducation pour préparer les futurs professionnels du secteur. Il est également essentiel d'intervenir en amont pour présenter les valeurs du logiciel libre et les pratique du modèle de développement open source aux étudiants, aux chercheurs et aux décideurs politiques. Les partenariats entre les universités, les entreprises et les institutions publiques peuvent contribuer à combler cet écart de compétences et à promouvoir le recrutement de talents dans le secteur des logiciels libres. - **Difficulté des entreprises à atteindre une taille critique**, notamment en raison de la concurrence avec les géants du secteur propriétaire et de la faible visibilité des projets open source. Pour surmonter cet obstacle, les entreprises de logiciels libres doivent mettre en place des stratégies de marketing et de communication efficaces, établir des partenariats solides avec d'autres acteurs du secteur et bénéficier de soutiens financiers publics et privés pour faciliter leur croissance. ## Votre avis sur les actions à mener : ### 4/ Selon vous quelles devraient être les actions prioritaires que le gouvernement devrait prendre pour favoriser le développement de notre filière Logiciels Libres Depuis sa fondation en 2010, le CNLL émet régulièrement, sous la forme de livres blancs ou d'études, et souvent après un processus de consultation ouverte de ses membres et des acteurs de la filière, des recommandations, des propositions ou des avertissements sur les actions à entreprendre et la moyens à mettre en oeuvre pour favoriser le développement de notre filière, ou pour ne pas contrecarrer son développement. Cf. - <https://cnll.fr/media/CNLL-post-covid_mdGUMmx.pdf> - <https://cnll.fr/media/ReponseCNLLconsultation__PacteProductifNumerique2019_Final.pdf> - <https://cnll.fr/news/audition-mission-parlementaire-souverainete-numerique/> - <https://speakerdeck.com/sfermigier/open-source-as-a-key-to-european-leadership-in-the-next-wave-of-digitisation> (pp. 14-19) - Etc. Voici une synthèse de quelques points: **Axe 1 : mettre en oeuvre une stratégie industrielle délibérée autour du logiciel libre, avec des moyens dédiés adéquats, afin de stimuler la croissance économique, l'innovation et la souveraineté numérique.** Cette stratégie devrait se concentrer sur l'utilisation et le développement de logiciels libres, tout en s'assurant que les règles et les réglementations ne créent pas d'obstacles inutiles au développement de l'écosystème des logiciels libres. Pour atteindre cet objectif, il est important de mettre en place des OSPOs (*Open Source Programme Offices*) dans toutes les administrations publiques, y compris dans celles en charge de l'économie et du développement industriel, ainsi qu'un réseau d'OSPOs pour encourager la collaboration entre les administrations publiques. Les OSPOs doivent avoir pour rôle d'encourager l'utilisation de logiciels libres dans l'administration publique, ainsi que de travailler avec les entreprises du secteur des logiciels libres pour développer et promouvoir des solutions innovantes. De plus, l'engagement avec les écosystèmes d'entreprises du logiciel libre devrait être explicitement mentionné dans leur mission. Les OSPOs devraient avoir comme KPI de mesurer et d'augmenter explicitement la proportion de logiciels libres dans les achats informatiques effectués par l'administration publique pour laquelle ils travaillent. **Axe 2 : Appliquer les réglementations existantes encourageant, préférant ou imposant l'utilisation de F/OSS dans l'administration publique, et ajouter celles qui manquent.** L'utilisation de logiciels libres dans l'administration publique est encouragée en France depuis le début des années 2000. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer l'utilisation de logiciels libres et réduire la dépendance aux grands éditeurs de logiciels propriétaires. L'objectif de cet axe du plan stratégique est d'appliquer l'article 9 de la loi pour une République numérique, qui encourage l'utilisation de logiciels libres dans l'administration publique. Cependant, cette réglementation n'est pas suffisamment contraignante pour assurer une adoption généralisée de logiciels libres dans les administrations publiques. Il est donc nécessaire de renforcer cette réglementation en imposant l'utilisation de logiciels libres par défaut, sauf si une justification spécifique est apportée pour utiliser un logiciel propriétaire. Une telle décision avait été prise par le Ministère des armées en 2006, mais semble être tombée en désuétude rapidement. Le rapport Latombe sur la souveraineté numérique contient également des propositions d'ordre législatif qu'il convient d'étudier avec plus d'intention. On voit donc qu'il y a un chantier législatif et réglementaire à ouvrir sur ce sujet. Enfin, il est important de sensibiliser les administrations publiques à l'utilisation de logiciels libres et de leur fournir les outils et les formations nécessaires pour choisir et utiliser ces logiciels. Cela fait partie de la mission des OSPOs, évoqués dans l'axe 1. **Axe 3 : Promouvoir l'investissement dans le logiciel libre et open source.** Il est important de promouvoir l'investissement dans le logiciel libre et open source en augmentant la proportion de projets F/OSS dans le financement de la recherche et de l'innovation. Il convient également de faciliter la participation des PME et de proposer des incitations fiscales pour les contributions au logiciel libre et open source. Ce dernier point pourrait être traité en adaptant la réglementation actuelle autour CIR et du CII afin qu'ils soient plus favorables au développement de logiciels libres. Enfin, il est nécessaire d'augmenter le financement public de projets spécifiques et stratégiques de logiciel libre et open source, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. **Axe 4 : Placer le logiciel libre et open source au cœur de l'éducation et de la formation.** Le logiciel libre et open source doit être placé au cœur des stratégies de compétences numériques et de l'enseignement de l'informatique dans toute la France. Cela permettra de stimuler l'innovation à long terme et de développer une culture de l'open source chez les futurs professionnels de l'informatique. Cf. les recommandations du CNLL et de l'OPIIEC (*cf. infra.*) **Axe 5 : Assurer l'égalité des chances pour le logiciel libre et open source.** Le logiciel libre n'est pas toujours en mesure de jouer à jeu égal avec les logiciels propriétaires. Parmi les obstacles et les risques identifiés: - **Manque de reconnaissance** : Le logiciel libre et open source est souvent mal compris et peu reconnu par les décideurs politiques, les professionnels de l'informatique et le grand public. Il est donc important de promouvoir le logiciel libre et open source en créant des annuaires de solutions et de technologies existantes, ainsi qu'en sensibilisant les établissements d'enseignement et le grand public à ses avantages. - **Influence et lobbying des "big tech"** : Les acteurs dominants de la tech déploient souvent des moyens massifs pour exercer une influence sur les décideurs politiques et les régulateurs. Cette influence peut prendre différentes formes, telles que le lobbying direct, les campagnes de relations publiques, la participation aux groupes de pression, les dons politiques et les contributions aux campagnes électorales. On constate aussi une grande porosité entre la haute fonction publique et les GAFAM, qui donne à ces derniers des atouts pour influencer l'administration et la grande industrie française. Pour contrer cette influence, il est important de mettre en place des réglementations et des lois qui garantissent la transparence et la responsabilité dans les pratiques de lobbying et de financement politique. Il est également important de promouvoir une concurrence équitable dans le secteur de la technologie, en encourageant l'émergence de start-ups et de petites entreprises, ainsi qu'en renforçant les lois antitrust. - **Interopérabilité** : Les grands éditeurs de logiciels propriétaires ont souvent tendance à imposer ou à promouvoir leurs propres standards, ce qui peut rendre difficile l'émergence de l'utilisation de logiciels libres et open source dans un environnement propriétaire. Il est donc important de veiller à ce que les standards ouverts soient largement utilisés et promus pour favoriser l'interopérabilité et la compatibilité entre les différents types de logiciels. - **Obstacles juridiques** : Les brevets logiciels et les contraintes liés à la propriété intellectuelle à la certification peuvent entraver le développement et l'utilisation de logiciels libres et open source. Il est donc important d'assurer que les réglementations en matière de propriété intellectuelle (en particulier, mais pas seulement, de brevets), de sécurité, etc. n'entravent pas le développement et l'utilisation de logiciels libres et open source. - **Manque de soutien financier** : De nombreux projets open source, y compris des projets d'infrastructure critique, manquent de moyens financiers. Il est donc important de soutenir financièrement les projets de logiciels libres et open source, en encourageant l'investissement des entreprises et en fournissant des subventions gouvernementales pour les projets stratégiques. ### 5/ Selon vous quelles devraient être les actions prioritaires que l’Europe devrait prendre pour favoriser le développement de notre filière Logiciels Libres cf: - <https://cnll.fr/documents/71/Apell_Conference_Report_2022_-_v1.0.pdf> (notamment les pages 8 à 13) - <https://speakerdeck.com/sfermigier/open-source-as-a-key-to-european-leadership-in-the-next-wave-of-digitisation> (pp. 14-19) La plupart des point du plan développé en réponse à la question précédente s'appliquent par ailleurs, *mutatis mutandis*, à l'échelon européen. En synthèse du workshop organisé par l'APELL en juin 2022 précisément en réponse à cette question, les enjeux pour la filière européenne sont les suivants: - **Croissance des entreprises de la filière du logiciel libre** : les entreprises doivent s'interroger sur leur croissance, tant en tant qu'entreprise que qu'en tant que secteur. Elles ont besoin de financements pour grandir au-delà d'une certaine taille et doivent évaluer si elles souhaitent ou ont besoin de se développer. Il est important d'examiner s'il existe une expertise suffisante pour développer les activités actuelles et de trouver des moteurs de croissance compatibles avec les principes et les valeurs du logiciel libre. - **Consolidation et startups** : il est nécessaire de consolider le marché actuel de la filière et de favoriser l'expansion des acteurs les plus performants. Le soutien et le financement des startups sont importants, ainsi que la stimulation et l'activation du financement par capital-risque pour les entreprises de la filière du logiciel libre, tant que ce financement n'entre pas, immédiatement ou à terme, en contradiction avec les principes et les valeurs du logiciel libre. Les entreprises existantes ont également le potentiel de coopérer entre elles et de mieux coordonner leurs efforts, ce qui permet une meilleure intégration des nouveaux acteurs. - **Formation et éducation** : la croissance des entreprises de la filière du logiciel libre dépend de la formation et du recrutement de professionnels formés aux technologies libre. Il faut investir dans la formation, soutenir les universités pour intégrer les principes, les pratiques et les outils du logiciel libre et du développement open source dans les programmes académiques et encourager la connexion aux communautés du libre. Les entreprises propriétaires ont une stratégie et des modèles de formation bien financés, et il est nécessaire de rivaliser avec ces initiatives pour favoriser l'adoption du logiciel libre. - **Collaboration** : les modèles économiques des entreprises de la filière du logiciel libre montrent l'intérêt d'une collaboration intensifiée entre elles. La croissance du marché peut profiter à tous. Il est nécessaire de faciliter les réponses coordonnées aux appels d'offres grâce à la coopération entre les petites entreprises de la filière, de collaborer au-delà des frontières et de créer une plateforme centrale d'échange d'informations. Les conférences nationales et internationales axées sur le marketing et les ventes peuvent aider à partager les meilleures pratiques, et des points de contact locaux dans chaque pays faciliteraient la communication. Les institutions européennes doivent dont se positionner résolument pour soutenir une filière qui, face aux bouleversements successifs des marchés et services numériques, doit être considérée comme une alternative aux systèmes traditionnels qui ne permettent pas la résilience et l'adaptabilité nécessaires pour les institutions publiques. Elles doivent ainsi établir un dialogue fonctionnel avec les organes représentatifs de la filière (notamment l'APELL) afin d'orienter leurs efforts financiers vers l'innovation et la compétitivité: - Acheter et utiliser des logiciels open source dans le secteur public, plutôt que de se contententer de distribuer des subventions. Modifier les règles de passation de marchés publics pour n'autoriser que l'achat et l'utilisation de logiciels open source en raison de leurs nombreux avantages. - Avoir des exigences et un contrôle plus fort sur l'impact aval des projets de R&D qui contiennent une composante open source. - Exiger l'open source comme principe pour les subventions publiques. - Modifier les techniques d'audit pour mieux mesurer l'impact des logiciels open source financés. - Financer l'éducation et la formation aux logiciels open source à l'échelle nationale et européenne. - Mettre en place et financer des OSPO (Open Source Programme Offices) ou un institut européen de conception et de technologie open source. - S'inspirer de programmes comme le Google Summer of Code pour la formation sur de courtes périodes (cf. par exemple en France <https://code.gouv.fr/bluehats/bluehats-semester-of-code/>). - Inciter les entreprises à investir dans les logiciels open source par des incitations fiscales et des pénalités en cas de non-respect. - Réorienter les investissements vers des projets de qualité. - Utiliser des mécanismes d'achat innovants pour les domaines où l'open source n'est pas encore disponible. Concernant plus spécifiquement les projets de R&D en informatique entrant dans le cadre du programme cadre Horizon Europe ou de ses successeurs, ainsi que des autres dispositif de financement mis en oeuvre par la Commission européenne, celle-ci devrait s'orienter davantage vers l'open source en adoptant les stratégies et principes suivants : - **Encourager l'open source dans les appels à projets** : Les appels à projets financés par la Commission européenne devraient, lorsque cela n'est pas déjà le cas, explicitement encourager l'utilisation et la création de solutions open source. En insistant sur l'importance de l'open source, cela incitera davantage de chercheurs et d'organisations à proposer des projets basés sur cette approche. - **Exiger l'open source comme condition de financement** : Les projets financés par la Commission européenne pourraient être tenus de rendre leurs résultats accessibles sous une licence open source. Cela garantirait que les résultats des projets financés profitent à un plus grand nombre d'acteurs et contribuent à l'innovation et à la compétitivité dans l'ensemble de l'écosystème. - **Soutenir la formation et l'éducation en open source** : La Commission européenne pourrait financer des initiatives visant à promouvoir la formation et l'éducation en matière de technologies open source, en particulier dans les universités et les centres de recherche. Cela permettrait de créer une main-d'œuvre qualifiée capable de contribuer à la croissance de l'écosystème open source. - **Promouvoir la collaboration et le partage des connaissances** : Les projets financés par la Commission européenne pourraient être encouragés à collaborer avec d'autres initiatives open source et à partager leurs connaissances et leurs expériences. Cela pourrait inclure la participation à des conférences, des ateliers et des événements dédiés à l'open source, ainsi que la mise en place de plateformes en ligne pour faciliter les échanges d'informations et la création et l'animation d'une communauté de pratiques pour les développeurs open source dans les entreprises. - **Créer des réseaux d'expertise open source** : La Commission européenne pourrait soutenir la création de réseaux d'expertise dédiés à l'open source, regroupant des chercheurs, des entreprises, des institutions publiques et d'autres parties prenantes. Ces réseaux pourraient servir de catalyseurs pour l'innovation et la coopération dans le domaine de l'open source. - **Mettre en place des mécanismes de suivi et d'évaluation** : Pour garantir que les projets financés par la Commission européenne s'orientent davantage vers l'open source et profitent véritablement et durablement à l'écosystème et à la compétitivité de la filière, il est important de mettre en place des mécanismes de suivi et d'évaluation pour mesurer l'impact des investissements dans ce domaine mais aussi pour inciter plus les parties prenantes de projets à investir dans les phases aval des projets. Cela permettrait de s'assurer que les projets financés respectent les principes de l'open source et contribuent effectivement à la croissance et à l'innovation du secteur. Cela pourrait notamment passer par des indicateurs pertinents tels que le nombre de développeurs open source impliqués, la quantité de code open source produit, le nombre de projets open source dérivés et les retombées économiques pour l'industrie européenne du logiciel libre et la promotion des bonnes pratiques en matière de développement open source. Pour recevoir des financements, l'industrie open source nécessite des structures appropriées pour organiser sa collaboration et ses possibilités de croissance. Parmi les structures recommandées figurent les entreprises de la filière, les structures éducatives, les OSPO, les fondations open source, les programmes de démarrage open source et les financements par capital-risque. ## Questions complémentaires : [Ces questions sont aussi là pour vous guider pour répondre aux questions de 4/ et 5/ ] ### 6/ De votre point de vue, comment le logiciel Libre peut-il servir le développement de la souveraineté numérique française/européenne ? Nous avons traité ce sujet en profondeur dans notre étude 2021: - https://cnll.fr/media/etude-cnll-2021.pdf (pp 59-93) Et j'ai développé le sujet lors de mon audition dans le cadre de la mission d'étude parlementaire du la souveraineté numérique: - https://cnll.fr/news/audition-mission-parlementaire-souverainete-numerique/ Par ailleurs, j'ai donné une demi-douzaine de conférences sur ce sujet depuis 2021, notamment: - https://speakerdeck.com/sfermigier/souverainete-numerique-et-logiciel-libre-colloque-de-la-sif-2022 - https://speakerdeck.com/sfermigier/le-logiciel-libre-au-service-de-la-souverainete-numerique-depuis-plus-de-35-ans - https://speakerdeck.com/sfermigier/digital-sovereignty-and-ethical-and-sustainable-computing-two-challenges-for-the-french-oss-business-ecosystem - https://speakerdeck.com/sfermigier/european-digital-sovereignty-perspectives-from-the-french-open-source-sector ### 7/ Qu’est ce qui manque à notre filière pour prendre un essor international ? Quelles sont les actions qui selon vous devrait être mis en place pour aider à accélérer le développement de nos entreprises à l’international ? Déjà évoqué lors des questins précédentes. Parmi les actions concrètes, en cours de montage, il y a faire passer les entreprises françaises à l'échelle européenne, en favorisant les prises de contact et les coopérations entre acteurs. Des initiatives trans-nationales et multi-nationales ponctuelles ont déjà été prises par l'APELL (ex: APELL Business Forum, en cours de démarrage). ### 8/ Comment aider davantage les éditeurs de Logiciels Libres à innover et être en mesure d’offrir des alternatives encore plus crédibles vis à vis des solutions propriétaires ? - Commande publique / open source business act (proposition Latombe) - Cf. aussi nos propositions (cf. <https://cnll.fr/media/propositions_cnll_fleurpellerin.pdf>, "axe 1", pp. 3-7) - Meilleure compréhension du métier / des business models de l'édition de logiciel libre - Cf. <https://cnll.fr/media/etude-cnll-2021.pdf>, pages 29 à 34. - Cf. <https://cnll.fr/media/LivretBleu_ModelesEconomiques_GT-LogicielLibre_Systematic.pdf> chapitre 3 (pp. 13-33) - => Organisation d'une journée d'information similaire à celle organisée en 2019 par le Fond de Dotation du libre, le CNLL et Cap Digital (https://systematic-paris-region.org/evenement/lumiere-sur-les-editeurs-de-logiciel-libre/), sur une plus grande échelle ? - Promotion du logiciel libre et de la filière open source (y compris les éditeurs) auprès des administration (via la la Mission Logiciels Libres) mais aussi du secteur privé - Cf. <https://cnll.fr/news/audition-mission-parlementaire-souverainete-numerique/> notamment la réponse à la question "Comment le logiciel libre peut-il être entendu ?" - Animation de l'écosystème (via un OSPO) - La DINUM (ou Etalab) doit continuer et accentuer ses actions autour du logiciel libre (en lien avec l'écosystème), en réaffirmant les missions et en donnant plus de moyens à la Mission Logiciels Libres - Implication de la DGE et pas seulement de la DINUM - Financement public de l'intégration de solutions de différents éditeurs (Ex. AMI solutions collaboratives, projet HyperOpen-X, etc.) ### 9/ Quelles sont les mesures qui devraient être prises selon-vous, dans le domaine de l’éducation initiale et/ou continue ? Cf. les conclusions de <https://cnll.fr/media/enquete-cnll-2018-marche-travail-open-source.pdf> et de <https://www.opiiec.fr/etudes/133755>. ### 10/ Quels changements apporteriez-vous au système d’achats publics pour le Logiciel Libre ? Que recommanderiez-vous pour les achats privés ? Pour ce qui concerne les grands marchés de support: Cf. <https://cnll.fr/media/Enquete-marches-support-resultats-V5.pdf>, étude réalisé à partir des témoignages de nombreux acteurs de notre filière. Nos recommandations principales sur ce sujet: **Privilégier une relation directe entre clients et éditeurs open source**. Afin de bénéficier de l’expertise disponible, de contribuer à la chaîne de valeur de l’Open Source, une relation directe entre le client et l’éditeur du logiciel (ou l’accès en direct à son offre dé- diée) est perçue comme la solution à privilégier dans tous les types de scénarios. **Etre vigilant sur la gouvernance des groupements**. Les groupements d’experts sont vus comme une solution qui peut être pertinente, à condition que, contrairement à ce qui est perçu aujourd’hui, leur gouvernance soit saine et permette de res- pecter tous les maillons de la chaîne de valeur. Plus généralement, voici une synthèse de notre contribution au workshop de la Commission européenne qui a eu lieu fin 2022 à Bruxelles: **Pb 1: Améliorer la prise en compte du modèle économique des éditeurs de logiciels libres** Solution 1 : Inclure systématiquement le modèle économique des éditeurs de logiciels libres dans la communication autour des logiciels libres. Pour ce faire, la CE peut : - Organiser des ateliers, des conférences et des formations pour sensibiliser les institutions publiques et les entreprises aux modèles économiques des éditeurs de logiciels libres. - Créer des guides et des ressources en ligne pour expliquer et promouvoir les différents modèles économiques utilisés par les éditeurs de logiciels libres. - Collaborer avec des organisations et des associations qui soutiennent les éditeurs de logiciels libres pour mieux comprendre et promouvoir leurs modèles économiques. **Pb 2 : Soutenir les petites entreprises et les éditeurs de logiciels libres** Solution 2 : Prendre en compte les réponses des acteurs plus petits dans les appels d'offres et favoriser la collaboration entre les grands et les petits acteurs. La CE peut : - Mettre en place des critères d'évaluation spécifiques pour les appels d'offres qui encouragent la collaboration entre les grandes entreprises et les PME/ETI spécialisées dans les logiciels libres. - Inciter les administrations à travailler avec des éditeurs de logiciels libres et des PME/ETI en mettant en place des incitations fiscales ou des subventions. - Créer des programmes de mentorat et de partenariat entre les grandes entreprises et les PME/ETI pour favoriser l'échange de connaissances et de ressources. **Pb 3 : Assurer des revenus stables et prévisibles pour les éditeurs de logiciels libres** Solution 3 : Les contrats de support récurrents peuvent être une solution pour assurer des revenus stables aux éditeurs de logiciels libres. La CE peut : - Encourager les institutions publiques et les entreprises à souscrire à des contrats de support récurrents avec les éditeurs de logiciels libres pour leur garantir un revenu stable. - Sensibiliser les organisations à l'importance de soutenir financièrement les éditeurs de logiciels libres en mettant en évidence les avantages à long terme de ces contrats de support récurrents. - Faciliter la mise en relation entre les éditeurs de logiciels libres et les clients potentiels en organisant des événements de networking, des salons et des conférences. La Commission doit donc continuer sa réflexion sur ces sujets, en relations avec les représentants de l'écosystème, en prenant en compte les diverses facettes des logiciels libres et de leur écosystème. Voici quelques éléments à considérer pour chacun de ces axes : - **Maintenance vs. Innovation (ou cycle de vie complet)** : Il est crucial de trouver un équilibre entre la maintenance des logiciels existants et le développement de nouvelles fonctionnalités et innovations. La Commission européenne peut soutenir les projets qui cherchent à améliorer la qualité et la maintenabilité des logiciels tout en encourageant l'innovation et la créativité. - **Logiciels critiques vs. non critiques** : Il est essentiel d'identifier et de soutenir les logiciels critiques, mais il est également important de reconnaître que la criticité d'un logiciel peut évoluer avec le temps et les circonstances. La CE peut soutenir la surveillance et l'évaluation régulière de la criticité des logiciels pour adapter son soutien en conséquence. - **Applications vs. bibliothèques** (logiciels destinés aux utilisateurs finaux vs. développeurs) : Les applications et les bibliothèques ont des besoins et des défis différents. La CE peut adapter son soutien en fonction des spécificités de chaque type de logiciel et favoriser la collaboration entre les développeurs d'applications et les mainteneurs de bibliothèques. - **Logiciels produits (par exemple, par un éditeur de logiciels) vs. développements ponctuels (par exemple, par une ESN)** : La CE peut encourager la pérennisation et la maintenabilité des développements ponctuels en incitant les entreprises de conseil en informatique à adopter des pratiques de développement durables et à contribuer aux projets de logiciels libres existants. - **Logiciels produits par "un gugusse au fin fond du Nebraska" vs. petite communauté informelle vs. "fondation" vs. entreprise vs. service public** : La CE peut mettre en place des mesures pour soutenir les différents types de producteurs de logiciels libres, en fonction de leurs besoins et de leurs défis spécifiques. Cela peut inclure le financement, la formation, le mentorat et la promotion de la collaboration entre les différents acteurs de l'écosystème des logiciels libres. - **Autres axes à explorer** : La CE peut également envisager d'autres aspects tels que la gouvernance des projets de logiciels libres, la diversité et l'inclusion dans les communautés de développeurs, la formation et l'éducation pour les utilisateurs et les contributeurs de logiciels libres, et les politiques et réglementations qui favorisent un écosystème sain et durable pour les logiciels libres. ### 11/ Comment les acteurs français et Européens peuvent peser davantage dans la gouvernance mondial des Logiciels Libres ? - Avec des fondations et associations européennes plus puissantes. ### 12/ Comment le secteur public peut il contribuer d’avantage aux Logiciels Libres ? Par des OSPO, pour peu que ceux-ci soient dotés des missions, feuilles de route et moyens nécessaires, et qu'ils travaillent en réseau. Cf. Tribune au Monde: <https://cnll.fr/news/tribune-le-monde-logiciel-libre-enjeux-majeur-du-numerique-moderne/> Il est donc primordial que la Mission Logiciels Libres, créé en application du plan d'action "logiciels libres et communs numériques" décidée par le Gouvernement en novembre 2020, soit dotée des moyens et de la pérennité nécessaire au succès de ce plan. ### 13/ Pensez-vous que le Logiciel Libre puisse être utile au développement de technologies IA plus éthique ? Si oui, comment ? Oui. Cf. https://cnll.fr/media/etude-cnll-2021.pdf (pp. 94-106). Le logiciel libre présente effectivement de nombreux atouts pour s'inscrire dans une éthique numérique responsable, à la fois sur les plans environnemental, social et démocratique, et économique. Voici un résumé des principaux points mentionnés dans le texte texte ci-dessus: Sur le plan environnemental: - La transparence du code favorise l'éco-conception en permettant d'identifier et d'améliorer les aspects liés à la consommation d'énergie et aux ressources. - La mutualisation et le recyclage du code contribuent à une plus grande sobriété énergétique, contrairement aux entreprises propriétaires qui développent souvent leurs propres solutions. Sur le plan social et démocratique: - La culture libre encourage l'autonomie en offrant un environnement technique décentralisé qui responsabilise les utilisateurs et peut générer des emplois locaux. - La transparence du logiciel libre renforce la confiance dans le numérique et les organisations qui l'utilisent. - En tant que commun numérique, le logiciel libre favorise le dialogue avec une communauté de contributeurs diversifiée. - Le logiciel libre est une réponse aux aspirations des utilisateurs et des collectivités qui recherchent des solutions éthiques, respectueuses de la vie privée et favorisant la collaboration. Sur le plan économique: - Les coûts directs pour les entreprises et les administrations sont généralement inférieurs à ceux des solutions propriétaires, qui attirent les utilisateurs avec des tarifs attractifs avant d'imposer des conditions désavantageuses. - Pour les utilisateurs individuels et les petites structures, les coûts peuvent être nuls et sans contrepartie cachée (par exemple, sans collecte de données personnelles). - Le logiciel libre soutient le développement économique local et la création d'emplois en privilégiant les circuits courts et les développeurs locaux. - En tant que commun numérique, le logiciel libre permet à tous de bénéficier des contributions de la communauté. - Le libre est un facteur de souveraineté, notamment économique, en permettant de réduire la dépendance vis-à-vis des solutions propriétaires. Il convient enfin de noter que cet engagement des entreprises pour le libre doit être sincère et durable: - Il est important d'adopter une démarche durable en s'appuyant sur une éthique responsable, en plus des considérations économiques. - Il convient de mettre en avant l'engagement éthique des entreprises du libre et de les distinguer des entreprises pratiquant le *greenwashing* et l'*openwashing*.